FRANÇOIS D’ASSISE PARMI LES LEPREUX

Après avoir participé activement à une guerre contre la ville voisine d’Assise et emprisonné dans les cachots de l’ennemi pendant un an, François revint chez lui, l’âme neuve et les yeux nouveaux. Le fait d’avoir été mis dans les fers et détenu avec ses compagnons d’armes l’amène à une profonde réflexion sur le sens de la vie. Il déserta la troupe joyeuse de ses amis, trop superficiels à son gré, pour retourner encore à la guerre. Il eut un rêve, dans lequel une voix lui demanda: «De qui peux-tu attendre le plus: du maître ou du serviteur? -Du maître!, répondit François. -Alors, reprit la voix, retourne à Assise: là, ta vocation te sera révélée». Effectivement, il la trouva: être au service du Seigneur en soignant les lépreux.

Tout commença ainsi. Un jour qu’il était à cheval, il rencontra un lépreux. Il prit d’abord la fuite, mais se ravisa et revint l’embrasser. Le lendemain, il se rendit à l’hôpital de fortune remettre une aumône à chaque lépreux et leur parler. Il fit un stage parmi eux, à Assise puis à Rome.
Dans son Testament, c’est son service des lépreux que François place à l’origine de sa vocation: «Quand j’étais encore dans les péchés, la vue des lépreux m’était insupportable; mais le Seigneur lui-même me conduisit parmi eux et je les soignai de tout mon coeur. Et quand je les quittai, ce qui m’avait semblé amer s’était changé pour moi en douceur pour l’esprit et pour le corps. Ensuite j’attendis peu, et je dis Adieu au monde».

saint francois d'assise a cheval

 

VISION DE SAINT DAMIEN

La vocation de François se précisa, mais l’événement décisif fut celui de St Damien. Il priait dans la petite chapelle, devant une icône du crucifix. Il demandait d’être éclairé, étant encore dans l’incertitude sur ce qu’il devait faire. Du crucifix vint alors une voix: « François, va et répare ma maison qui, tu le vois, tombe en ruine! » Il se fit maçon et répara l’Eglise en ses murs de pierres.

C’était un travail de pénitent, tout comme le service des malades et des lépreux, le pèlerinage, l’aumône et la restauration des églises. Plus tard seulement, il reconnaîtra que sa mission concernait en réalité cette Église vivante, qui est le Corps du Christ.

DÉPOSSESSION PAR SON PÈRE

Pour financer ses restaurations d’églises, François prit des ballots de linge dans le magasin paternel, partit à cheval vers Foligno, où il vendit tout: cheval et tissu. Son père l’accusa de vol et le traduisit en justice. François renonça à son droit d’héritage, remit ses habits à son père, en disant: « Jusqu’ici je t’ai appelé père sur la terre. Désormais, je puis dire avec assurance : Notre Père qui es aux cieux ». Sur un habit de fermier que lui donna alors l’évêque, il traça une grande croix à la craie blanche, en signe de pénitence.

SAISISSANTE LECTURE D’ÉVANGILE

Deux ans se passèrent pour François à changer de vie: hôpitaux, maçonnerie, mendicité et méditation solitaire jouèrent un grand rôle. Un jour, le 24 février 1209 –François avait 27 ans –, il tressaillit à la lecture de l’Évangile, qui disait ceci: «Allez, et annoncez partout que le Royaume des cieux est proche. N’emportez ni or, ni argent, ni besace pour la route, ni deux tuniques, ni chaussures, ni bâton». Il se fit expliquer cette phrase par un prêtre, puis déclara: « Voilà ce que je veux, voilà ce que je cherche, ce que de tout mon cœur je brûle d’accomplir ».

lecture de l'evangile

Ce texte joua un rôle déterminant dans la vocation de François. Il se mit tout de suite à l’oeuvre, se dépouillant de tout. Il remplaça sa ceinture par une corde, se fit un habit en forme de croix et se mit à prêcher l’Évangile du dépouillement de soi, pour revêtir le Christ. Ce fut la force de cet homme extraordinaire de mettre en application immédiatement ce qu’il venait de comprendre. Il relevait les défis sans tarder, en s’engageant entièrement.

PRIÈRE ET ERMITAGE

François priait souvent et longuement, avec ses frères et dans des ermitages. Celano, son premier biographe, dit de lui: « Quand il priait, c’était la prière faite homme». Sa prière était beaucoup plus louange (remercier et complimenter) que demande, même dans ses moments d’épreuve, de doute et d’angoisse. Il chantait du plus profond de son coeur: « Tout Puissant, très Saint, très Haut et souverain Dieu, Bien suprême, Bien universel, Bien total, toi qui seul est bon! A toi puissions-nous offrir toute louange, toute gloire, toute reconnaissance, tout honneur et tout bien. Oui tout. Amen! ».

JONGLEUR DE DIEU

Après la venue d’une douzaine de frères, François, avec sa troupe, alla se présenter au pape pour demander l’approbation de son genre de vie. Plus tard, il rencontra saint Dominique à l’occasion du 4e Concile du Latran, où il fut très impressionné par les paroles du Pape, invitant à la pénitence en se plaçant sous le signe de la Croix et du Tau.

presenter au pape

François prêcha la pénitence et le pardon, mais en actes plutôt qu’en paroles, se faisant d’abord disciple pour « suivre les traces du Christ ». Il avait compris qu’évangéliser consiste d’abord à être, avant de faire… à être en solidarité avec Dieu et avec les humains, à être Église pour aider l’Esprit-Saint à rassembler les humains et à en faire des « frères et soeurs en Notre Seigneur ».

penitence

Certains des frères de François partaient en mission, d’autres se retiraient dans la solitude des ermitages. Fidèle à la vie de prière, cette petite famille débordait de courtoisie et de simplicité. Ce que les premiers frères vivaient entre eux débordaient au-dehors. Ils avaient inventé ou popularisé une façon originale de prêcher. A trois ou quatre, les frères arrivaient sur une place publique; l’un d’eux jouait de son instrument de musique, à la façon des ménestrels; quand un bon cercle de curieux était rassemblé, ils chantaient; et quand la place était remplie de monde, les frères se relayaient pour inviter brièvement à la conversion du coeur et à l’abandon des vaines rancoeurs, « pour l’amour du Christ Notre Seigneur ». Ces jongleurs venant d’Assise, après avoir posé certains gestes allant dans le sens de leur message, souhaitaient « paix et joie » à tous et allaient recommencer ailleurs leurs prédications

UNE VIE MODESTE ET PAUVR

François recommande à ses frères de porter des habits pauvres, de vivre de son travail pour assurer sa subsistance, de ne jamais réclamer un salaire comme un dû. Il leur recommande de ne rien s’approprier en biens matériels, mais d’être partout « pèlerins et étrangers en ce monde, servant le Seigneur dans l’humilité ».

habits de pauvres

S’irriter et s’emporter contre quelqu’un, c’est se croire au-dessus de lui et en possession d’un trésor de vertus. Par contre, celui qui évite la colère et le trouble en son coeur montre qu’il a conscience d’être aussi pécheur et miséreux que son frère. Il a l’esprit des Béatitudes et reconnaît que c’est le Seigneur qui, à travers son serviteur, dit et fait tout bien.

François a voulu être pauvre, parce que le Christ a choisi la pauvreté. S’il appelle la pauvreté une vertu royale, c’est parce qu’elle a brillé avec éclat dans la vie de Jésus, le Roi des rois, et dans celle de sa mère, Marie de Nazareth.

Roland Bonenfant, ofm

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